
On entend souvent que les jeunes enfants ont « une imagination débordante ».
On valorise les contes de fées, les “disney” les licornes, les monstres gentils et les histoires de dragons volants.
Pourtant, avant de leur proposer ces mondes merveilleux, il est essentiel de leur offrir d’abord un ancrage solide dans le réel.
Ce n’est pas un hasard si les pédagogies les plus respectueuses du développement de l’enfant insistent sur l’importance d’expériences concrètes, sensorielles et incarnées. Car la créativité ne naît pas d’un monde imaginaire varié ; elle se développe à partir du réel.
Le réel comme socle de la pensée
Pour que l’enfant puisse inventer, créer, transformer, il a besoin d’avoir exploré, vu, touché, senti le monde tel qu’il est.
C’est à partir de ces expériences que son cerveau construit des représentations stables, qu’il organise sa pensée, qu’il apprend à distinguer ce qui est possible de ce qui ne l’est pas encore.
Lorsqu’un enfant a manipulé de l’eau, observé un escargot, regardé le ciel changer ou entendu le bruit du vent, il enrichit sa capacité à imaginer parce qu’il a d’abord perçu, intégré, compris.
La pensée symbolique, qui permet de jouer à « faire semblant », ne peut émerger qu’en s’appuyant sur une base concrète. Sans cette base, l’imaginaire reste flottant, déconnecté, parfois même déroutant pour lui.
Un enfant qui n’a jamais vu de cheval peut difficilement visualiser une licorne ; un enfant qui n’a jamais vu la mer ne peut pas vraiment se représenter un bateau de pirates.
Il répète des mots, peut-être même des scénarios, mais il n’imagine pas encore vraiment : il imite.
Imaginaire et réel ne s'opposent pas, mais ils s'articulent...
Il ne s’agit pas de bannir l’imaginaire, bien au contraire. Mais de respecter un rythme de construction.
Avant de pouvoir inventer une histoire de licorne qui traverse une forêt magique, un enfant a besoin d’avoir vu un cheval, traversé une forêt, senti la terre sous ses pieds, écouté le silence des arbres ou le chant des oiseaux.
C’est le réel qui donne de la matière à l’imaginaire.
L’enfant qui a observé une chenille se déplacer lentement pourra bien mieux s’émerveiller d’une histoire de transformation en papillon. Il y a un lien, une résonance intérieure, qui rend l’imaginaire fertile et riche.
L’imaginaire alors ne remplace pas le réel : il le prolonge, il l’illumine.
Cela ne signifie pas que l’enfant ne s’amusera pas avec un dessin animé ou un conte fantastique s’il n’a jamais vu de renard ou d’océan en image ou en réel.
Mais cette consommation imaginaire risque de rester en surface.
Il en rit, il s’évade, mais il n’enracine pas encore profondément sa capacité créative.
Un monde trop imaginaire peut brouiller les repères
Proposer trop tôt des univers irréels peut engendrer une forme de confusion.
Le tout-petit est encore en train d’apprendre ce qui est vrai, ce qui est faux, ce qui est vivant, ce qui ne l’est pas.
Si tout se mélange, il peut avoir du mal à distinguer le rêve de l’éveil, le fantasme de la réalité.
Il peut croire qu’il peut voler comme un super-héros, ou que les peluches ont une vie autonome, non pas pour jouer, mais parce qu’il n’a pas encore les repères suffisants.
Cela peut aussi provoquer des peurs inattendues : certains enfants sont très sensibles, et les figures imaginaires trop marquantes (sorcières, monstres, dragons) peuvent susciter des angoisses, parfois difficilement exprimables.
Le monde réel, lui est observable, répétable, stable. Il permet de s’ancrer, de sécuriser la pensée et de bâtir les fondations d’une imagination saine, structurée.
L’imaginaire doit venir comme une extension, pas comme un remplacement du monde tel qu’il est.
L'émerveillement existe déjà dans le réel
Regarder un escargot avancer, c’est déjà vivre une aventure.
Cueillir une fleur, suivre une fourmi, entendre une porte grincer ou observer la pluie ruisseler : ce sont des invitations à la rêverie bien plus puissantes qu’il n’y paraît.
Ce sont des récits en eux-mêmes.
Le monde réel contient déjà des mystères, des surprises, des découvertes.
Lorsqu’on prend le temps de présenter ce réel à l’enfant, sans le surstimulation, sans le travestir, mais en le laissant le vivre, le ressentir, l’explorer, alors on ouvre déjà une porte vers l’imaginaire. Une porte douce, respectueuse de son rythme interne.
C’est souvent nous, adultes, qui sous-estimons le pouvoir poétique du quotidien.
Nous pensons qu’il faut du spectaculaire pour capter l’attention d’un enfant.
Mais les enfants n’ont pas besoin d’être divertis. Ils ont besoin d’être en lien.
Et c’est dans ce lien avec le réel que leur puissance imaginative s’éveille.
Être créatif, ce n'est pas fuir le réel : c'est le prolonger
Un enfant qui connaît la lenteur d’une limace pourra inventer une histoire de limace aventurière.
Un enfant qui a passé du temps dans la nature pourra transformer un arbre en géant protecteur, ou une feuille morte en bateau.
Ce ne sont pas des fuites hors du réel, mais des prolongements poétiques de ce qu’il a réellement vécu. Sa créativité est enracinée. Elle prend appui sur un vécu.
Une attention particulière : les enfants avec troubles du spectre de l’autisme
Proposer du réel avant de plonger dans l’imaginaire, ce n’est pas seulement une question de développement harmonieux.
C’est aussi – et surtout – un acte profondément inclusif.
Certains enfants, notamment ceux concernés par les troubles du spectre de l’autisme (TSA), ont une relation au monde qui se construit autrement. Le concept même d’imaginaire peut leur rester longtemps étranger, ou ne jamais être réellement intégré. Pour eux, les jeux symboliques, les histoires fantastiques, les personnages imaginaires n’ont pas toujours de sens. Ils peuvent même être source de confusion ou d’angoisse.
Ce que ces enfants comprennent, ce à quoi ils peuvent se relier, c’est le concret, l’observable, le répétable. Le monde réel est leur base de sécurité, leur point d’entrée dans les interactions. Quand on leur propose une activité ancrée dans le réel – verser de l’eau, trier des objets, observer une feuille qui tombe – on les rejoint là où ils sont. On leur permet d’apprendre, de s’épanouir, d’être eux-mêmes.
Respecter ce besoin de réel, ce n’est pas limiter l’enfant. C’est au contraire ouvrir un espace commun où chaque manière d’être au monde a sa place. Et c’est aussi une manière d’inviter tous les enfants, sans exception, à construire leur monde intérieur à partir de bases solides.
En conclusion
Accompagner un jeune enfant, que ce soit à la maison, en crèche ou en tant qu’assistante maternelle, c’est lui offrir un cadre de vie où il peut explorer le réel à son rythme. C’est accueillir ses gestes, ses silences, ses découvertes minuscules qui sont en fait de grandes fondations.
Vouloir nourrir sa créativité uniquement par des histoires imaginaires sans lui avoir d’abord permis d’habiter pleinement le monde qui l’entoure, c’est comme lui proposer de raconter une histoire sans avoir de mots. Le réel est son premier vocabulaire. Il est la matière première de toute invention, de toute rêverie.
Offrir du réel au quotidien – manipuler l’eau, sentir la farine, suivre une fourmi, écouter le bruit de la pluie – c’est déjà éveiller l’imaginaire.
Un imaginaire qui ne s’évade pas pour fuir, mais qui s’enracine pour grandir.
Et c’est dans ce lien-là, tissé jour après jour dans les gestes simples, que naît la plus belle des créations : celle de devenir soi-même.
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