FORMATIONS PAS A PAS

« J’ai toujours préféré travailler avec les enfants » – Une phrase pas si anodine, qui parle bien souvent de l’histoire de vie des professionnel.le.s de la petite enfance.

travailler avec les enfants

De nombreux professionnels s’orientent vers le secteur de la petite enfance parce qu’ils se sentent plus à l’aise avec les enfants qu’avec les adultes. Mais derrière cette préférence se joue parfois semble t-il une histoire émotionnelle non résolue, qui peut impacter la qualité éducative et relationnelle transmise aux enfants.

Un constat fréquent mais rarement questionné.

« Moi, je préfère être avec les enfants qu’avec les adultes. »
Cette phrase revient très régulièrement lors des formations ou des entretiens avec les équipes. Elle semble anodine, presque sympathique. Pourtant, elle mérite d’être entendue avec attention, car elle révèle souvent une dynamique plus profonde, à la croisée de l’histoire personnelle et de la posture professionnelle.

 

Dans le secteur de la petite enfance, où la dimension relationnelle est centrale, les trajectoires personnelles des professionnels ne sont jamais neutres. Elles influencent leurs choix, leurs affinités et parfois même leurs limites. Pour les directions de crèches, comprendre ces mécanismes n’est pas une curiosité psychologique : c’est une clé pour mieux accompagner les équipes, prévenir certaines difficultés relationnelles et renforcer la qualité éducative proposée aux enfants.

Comprendre les racines, une histoire d'enfance

Beaucoup d’adultes qui expriment cette préférence pour la compagnie des enfants ont grandi dans un environnement où la relation aux adultes n’était ni sécurisante, ni bienveillante.
Ils n’ont pas eu le droit d’exister pleinement : peu de place pour la parole, la spontanéité ou l’expression émotionnelle. Ces expériences laissent une empreinte durable : l’adulte est perçu comme une figure potentiellement jugeante, instable ou non fiable.

 

Les travaux de Boris Cyrulnik (2014) et Donald Winnicott (1971) montrent à quel point la qualité du lien adulte-enfant influence la construction de la confiance fondamentale et de la capacité à entrer en relation. Lorsque ce lien est défaillant, l’enfant développe souvent une méfiance latente vis-à-vis du monde adulte. Devenu professionnel, il peut alors ressentir une forme de décalage avec ses pairs, et une préférence instinctive pour le monde de l’enfance, perçu comme plus simple et plus accueillant.

La préférence pour les enfants, une stratégie d'adaptation

Choisir de travailler uniquement avec des enfants n’est pas toujours un choix conscient. C’est souvent une manière d’éviter les rapports aux adultes perçus comme complexes ou menaçants. Comme l’a analysé Alice Miller dans Le drame de l’enfant doué (1990), nous avons tendance à rechercher, à l’âge adulte, les contextes qui nous permettent inconsciemment de réparer ce qui a manqué dans notre enfance.

 

Ainsi, certaines personnes trouvent auprès des enfants une spontanéité, une authenticité ou une forme de refuge qu’elles n’ont jamais expérimentée avec les adultes. Cette orientation professionnelle n’est ni bonne ni mauvaise en soi. Elle devient problématique uniquement lorsqu’elle n’est pas identifiée, car elle peut influencer profondément la posture éducative et la dynamique d’équipe surtout.

Le paradoxe éducatif, des blessures qui se rejouent.

 

C’est ici que se loge un paradoxe souvent invisible : des adultes qui se sont sentis blessés ou non reconnus dans leur enfance choisissent de se tourner vers les enfants… mais sans toujours avoir conscience que leurs blessures peuvent se rejouer dans la relation éducative.

Sans travail de conscience, ces blessures non intégrées peuvent s’exprimer sous différentes formes :

  • une tendance au contrôle excessif,

  • une difficulté à tolérer certaines émotions de l’enfant,

  • une méfiance envers les collègues adultes,

  • ou encore une posture éducative instable, oscillant entre fusion et distance.

Comme le rappelle Catherine Gueguen (Vivre heureux avec son enfant, 2014), un adulte qui n’a pas été accompagné dans la sécurité affective peut difficilement la transmettre de façon stable. Les enfants sont alors confrontés à des figures adultes parfois bienveillantes, mais peu ancrées, ce qui affecte leur confiance dans l’environnement éducatif.

Des effets en cascade sur les enfants et les équipes

Lorsqu’un adulte n’est pas réconcilié avec le monde adulte, il envoie malgré lui un message paradoxal aux enfants :
« Je suis ta figure de référence, mais moi-même je ne fais pas vraiment confiance aux adultes. »
Ce double discours est déstabilisant. Il fragilise la construction de la confiance affective chez l’enfant, qui repose sur la cohérence et la stabilité des figures adultes (Bowlby, 1969).

 

Par ailleurs, au sein des équipes, ces dynamiques peuvent générer des difficultés relationnelles : évitement des échanges entre pairs, conflits mal régulés, résistance à la remise en question, isolement professionnel. Pour les directions, cela peut se traduire par des tensions récurrentes, une moindre fluidité de communication et une fatigue managériale accrue.

Un enjeu managérial : accompagner la réconciliation adulte-adulte

Il ne s’agit évidemment pas pour les directions de « soigner » les histoires personnelles. En revanche, reconnaître que ces dynamiques existent permet d’adopter une posture managériale plus fine et ajustée.
Concrètement, cela passe par :

En créant un climat d’équipe stable, soutenant et réfléchi, la direction permet à chacun d’évoluer dans un environnement adulte sécurisant — ce que certains n’ont jamais connu dans leur histoire personnelle. Cette stabilité collective devient alors le socle de la qualité éducative.

Conclusion : Des adultes conscients pour des enfants confiants.

Reconnaître que les histoires personnelles influencent la posture professionnelle n’est pas une faiblesse, c’est une force. Cela permet d’accompagner les équipes avec plus de lucidité et d’humanité, en tenant compte de ce qui se joue derrière les attitudes et les préférences.

La société de demain a besoin d’enfants qui grandissent en confiance avec les adultes. Cela suppose que les adultes d’aujourd’hui aient, individuellement et collectivement, engagé un chemin de réconciliation avec leur propre histoire et avec leurs pairs.
Les directions de crèches jouent ici un rôle clé : celui de créer des environnements adultes stables et conscients, dans lesquels les enfants peuvent s’épanouir en sécurité.

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