
Et si le vrai défi, c’était la relation à soi ?
On pense souvent que se mettre à son compte, c’est accéder à une forme de liberté.
Mais sans conscience, cette liberté peut devenir un piège. Un terrain glissant où l’on rejoue, en pire, les dynamiques qu’on croyait avoir quittées.
1 - Le mythe de la liberté entrepreneuriale
Quand on quitte le salariat pour se mettre à son compte, on parle souvent de liberté. Liberté de choisir ses horaires, ses missions, ses valeurs. Une liberté exaltante en apparence. Mais cette liberté devient rapidement un piège si elle n’est pas accompagnée d’un travail profond sur la relation à soi-même.
Beaucoup s’imaginent qu’une fois sortis des carcans hiérarchiques, ils pourront « enfin respirer ». Mais la vérité, c’est que dans l’entrepreneuriat, il n’y a plus personne à accuser si ton temps est mal respecté, si ta charge est trop lourde, si ton agenda déborde… sauf toi.
2 - Quand on devient son propre bourreau
En tant que salarié·e, il est facile de pointer du doigt un manager qui abuse, un cadre qui ne respecte pas les temps de pause, un supérieur qui exige trop. Mais une fois à son compte, qui nous empêche de dire non ? Qui décide d’accepter cette mission, même le week-end ? Qui dit « oui » à un projet sans maîtriser le sujet, quitte à se suradapter ?
C’est souvent la même personne : soi-même.
Et cette transition est violente pour beaucoup. Parce qu’elle nous met face à une responsabilité brutale : celle de nous traiter avec justesse, ou pas. Et lorsque notre rapport au respect, aux limites, à la légitimité est bancal… alors nous devenons notre propre bourreau.
3- Du manager oppressant à l'auto-exploitation : le piège du passage dans sa propre conscience
Accepter trop de projets à la fois, se former en parallèle, répondre à toutes les sollicitations… Ce n’est pas de l’ambition. C’est parfois un mélange de peur de décevoir, de quête de reconnaissance et de manque de clarté intérieure.
Beaucoup de jeunes entrepreneurs tombent dans le piège de la productivité constante, croyant qu’ils doivent « tout faire vite » pour « mériter leur place ». En réalité, ils rejouent des schémas de surinvestissement souvent appris très tôt : être le bon élève, ne pas décevoir, faire plus pour compenser le doute.
4 - Stress, charge mentale et relation à soi : ce que disent les recherches
Plusieurs études démontrent que l’entrepreneuriat est un terrain propice au burn-out, souvent davantage que le salariat :
Une étude menée par le Dr Bentein et collaborateurs (2021) montre que les travailleurs autonomes présentent un niveau de stress perçu plus élevé que les salariés, notamment en raison du flou des frontières entre vie pro et perso.
La théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan, 2000) rappelle que pour qu’un individu reste motivé sans s’épuiser, il doit satisfaire trois besoins fondamentaux : autonomie, compétence, et lien social. Or, en situation d’auto-pression, ces besoins sont souvent bafoués.
Le burn-out entrepreneurial est aujourd’hui reconnu comme une forme spécifique d’épuisement psychologique liée à la surcharge auto-imposée et au manque de régulation émotionnelle (Hessels, Rietveld & van der Zwan, 2018).
5 - Apprendre à poser des limites : ce n'est pas un luxe, c'est une compétence clé.
La clé n’est pas de « faire moins » par peur de l’épuisement. La clé est de se connaître assez pour faire juste.
Poser ses limites, ce n’est pas un renoncement. C’est un acte de lucidité. Un moyen de créer les conditions pour durer, pour rester aligné·e, pour continuer à aimer ce que l’on fait.
On ne « se protège pas du monde » en posant ses limites. On s’autorise à exister pleinement dans ce monde.
6- Savoir dire non, ce n'est pas faire moins. C'est se connaître
Apprendre à dire non ne s’improvise pas. Cela suppose :
De savoir reconnaître les signaux internes de surcharge.
De repérer les situations où l’on accepte par réflexe, par peur ou par automatisme.
D’accepter de ne pas plaire à tout le monde.
De comprendre que chaque « non » permet de dire un « oui » plus engagé, plus aligné, plus durable.
7. Travailler sur soi avant de travailler pour soi
Avant de devenir entrepreneure, il faut souvent apprendre à devenir sa propre alliée. Et cela demande de :
S’écouter, sans se mentir.
Mettre en place des rituels de régulation (temps de pause, supervision, ancrage corporel).
Identifier les croyances héritées du salariat ou de l’histoire personnelle (« Je dois prouver », « Je ne suis pas assez experte », « Je dois être irréprochable »).
Accepter de se réajuster régulièrement.
Conclusion : tu es ton propre cadre, respecte toi comme tu aurais voulu être respecté-e
Quand on est à son compte, on ne quitte pas le système : on devient le système.
Et dans ce nouveau rôle, on a le pouvoir – et la responsabilité – de se traiter avec la même bienveillance, la même exigence saine, et le même respect que ce que l’on attendait de son manager.
Alors non, ce n’est pas « un luxe » de poser ses limites, d’écouter son corps ou de dire non à ce qui dépasse nos ressources du moment.
C’est une condition de survie émotionnelle.
Références bibliographiques
Deci, E. L., & Ryan, R. M. (2000). The « What » and « Why » of Goal Pursuits: Human Needs and the Self-Determination of Behavior. Psychological Inquiry.
Hessels, J., Rietveld, C. A., & van der Zwan, P. (2018). Self-employment and work-related stress: The mediating role of job control and job demands. Journal of Business Venturing.
Bentein, K., et al. (2021). Burnout chez les travailleurs autonomes : un risque sous estimé ? Revue francaise de gestion
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